03 Mar Le Cercle Blanc – Voyage à Montréal

UN REPORTAGE DE NATALIE FONTAVLO (TEXTES) ET FRANÇOIS LAPOINTE (PHOTOS),
MEMBRES DU CERCLE BLANC

C’était le 16 janvier 2016. Un samedi. Nous nous étions donné rendez-vous à 9h30 du matin, au Périscope, à Québec. Seize autres fous de théâtre, mon chum et moi. Tous, curieux, avides de rencontres. Destination? Montréal. Et Pelléas. Et Mélisande. Et Christian Lapointe. Une journée riche en perspectives.

Élise Glück, l’instigatrice du projet, nous attendait avec un grand sourire, malgré notre léger retard. Le réveil avait été dur à la maison. Élise me racontera plus tard que, pour elle, c’était comme un petit rêve devenu réalité : celui de partager avec d’autres l’effervescence de ses sorties de théâtre d’enfance et d’adolescence. J’imagine une petite, avec ses cheveux longs et ses lunettes (Élise, avais-tu déjà des lunettes à l’époque?); ce qui pour plusieurs autres enfants n’était que des sorties scolaires deviendra pour elle le début d’une histoire d’amour avec le théâtre, une histoire qui grandira avec le temps.

La journée était grise. Il neigeait. En passant sur les ponts, un brise-glace s’approchait de nous. C’est drôle comme on note de petits détails dès qu’on se met en tête de rendre compte de quelque chose. Je traverse ces ponts tous les jours et je vois rarement les brise-glace.

Mon chum prend des dizaines de photos en ce début de journée. C’est d’ailleurs pourquoi nous n’aurons pas d’images du soir : sa batterie s’est épuisée avant même que le spectacle ne commence. Nous avons du Wi-Fi gratuit. J’en profite pour avoir une conversation-émoticon avec mon fils, resté à la maison…

Le théâtre, il trouve ça plate.

Vers 10h, quelque part au Centre du Québec, Élise prend le micro. Elle nous parle du programme de la journée et de ses voyages de théâtre, là-bas, dans son Europe natale. Je me demande si beaucoup d’enfants font des voyages de théâtre au Québec.

Un peu avant 11h, nous arrivons au Madrid 2.0. Mon chum décide de rester dans le minibus pour prendre une photo des bancs vides. Il y a une certaine poésie dans cette absence. Mais surtout ces bancs sont tellement confortables que je me dis qu’ils méritent une place dans notre docu-photo.

Après la pause, nous continuons à rouler sur la 20. Une certaine monotonie s’installe dans le paysage qui file à nos côtés et aussi dans la chaleur de notre minibus. Certains lissent, d’autres jasent à voix basse. Quelques-uns font la sieste.

Mais, avant l’arrivée à Montréal, les conversations se font plus bruyantes et animées.

Il est 12h45 lorsque nous arrivons au TNM. Le gris pâle du matin à Québec semble s’être déplacé avec nous, avec ses flocons frêles et sa slush.

Alors que certains d’entre nous se réfugient à la chaleur et à l’abri du grésil, d’autres affrontent le mauvais temps pour s’offrir une pause cigarette. Et chacun part à la chasse de son dîner. On se donne rendez-vous à 13h30. Mon chum et moi dénichons une petite boulangerie toute montréalaise, dans l’aire de restaurants d’un centre commercial. Pendant que nous buvons du jus d’orange frais et mangeons d’excellents sandwichs à l’agneau et au brie, nous entendons la prestation d’un groupe de mariachis.

Certains, parmi les plus prévoyants, ont apporté leurs lunchs. Ils mangent dans le hall d’entrée du TNM. Lorsque nous les rejoignons, nous parlons d’art et de littérature, de théâtre jeunesse et d’austérité. Autour de la table se côtoient des accents d’un français mondialisé, appris au Brésil, aux États-Unis, en Colombie, en Italie. Il y a aussi le français de France. C’est comme une incursion dans un quartier montréalais, sauf que nous venons tous de Québec.

Et ensuite ce fut le voyage au cœur du TNM avec Christian Lapointe.

Pour cette partie de la journée, d’autres gens nous ont rejoints. Nous sommes plus de 20 à monter et à descendre dans l’ascenseur du théâtre. Je me souviens avoir dit que c’était un bon moyen de nous rapprocher.

Le spectacle après sera époustouflant, mais mes souvenirs les plus nets de cette journée seront ce sous‑sol jonché de décors à moitié finis, ces maquettes magnifiques rangées dans les coulisses, cette multitude de spots et de leviers, ces acteurs se réchauffant dans une salle vide.

Nous n’avons pas d’image du retour. Il a été marqué par des conversations qui ont donné naissance à d’autres conversations. Je me souviens du plaisir et du besoin de parler. Mais aussi, à certains moments, de se taire. Pelléas et Mélisande n’est pas un spectacle qui laisse indifférent. Personnellement, je crois que le chemin qu’il s’est fait dans mon esprit se trace encore. Mais, juste avant ce moment d’échange entre nous, une dernière surprise nous attendait : une table basse ornée d’un château de biscuits et de chocolats et une salle remplie d’acteurs généreux, prêts à partager avec nous un peu du peu de temps de repos qu’ils avaient avant leur représentation du soir. En leur parlant, j’ai eu l’impression que la pièce cheminait aussi en eux, certes beaucoup plus loin qu’en nous, mais avec la même ténacité.